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Surfer sur le flow !
Selon la dernière étude, médiatisée en 2018, l’absentéisme en France est passé de 4,59% en 2016 à 4,72% en 2017, soit en moyenne 17,2 jours d’absence par an et par salarié avec des disparités selon les secteurs d’activités, les régions et l’âge des salariés.
En 1900, 93 % des personnes gagnaient leur vie en sollicitant avant tout leur corps.
En 2000, 75 % d’entre elles utilisaient avant tout leur tête pour arriver au même résultat.
Selon une étude canadienne parue en 2005, à chaque 1 % d’absentéisme correspondait 4 % de présentéisme (le corps est là, mais ni la tête, ni le cœur).
En 2018, où en sommes-nous côté cœur ?
Les émotions : le cœur de la boite noire.
Oui, plus une personne vit de l’ennui, de l’indifférence, de l’anxiété, plus elle est en situation de risque pour son développement et sa santé. Plus elle souffre de symptômes d’épuisement professionnel, dont voici les symptômes :
Le stress : épuisement émotionnel
Le cynisme : sentiment de dépersonnalisation
Le sentiment d’échec professionnel : réduction de l’accomplissement personnel.
Oui, les émotions sont vitales et contagieuses, et sources précieuses d’informations. D’ailleurs ne dit-on pas qu’une personne est en bonne santé émotionnelle si elle a l’occasion de ressentir suffisamment souvent une émotion particulièrement positive, appelée le FLOW ?
OUI ! et ce phénomène ne doit rien du hasard.
Les émotions agissent comme des marqueurs somatiques (corporels) qui nous permettent d’évaluer le caractère désirable ou non d’une décision. Selon l’émotion ressentie, nous sommes orientés vers l’approche (l’émotion positive) ou la fuite (émotion négative). Et nous savons maintenant que nous utilisons nos émotions pour faciliter notre pensée.
Cela dit, sommes-nous suffisamment au contact de ce phénomène passager, qui est tout sauf irrationnel et qui ne doit rien au hasard, « le flow est un état émotionnel bénéfique dans lequel compétences et challenge sont réunis et produisent du bien-être et de la performance ».
• Grâce à cette théorie issue des recherches du psychologue Mikhaïl Csikszentmihalyi (professeur à la « Drucker School of Management »), on peut en effet identifier les causes des émotions ressenties lors d’une activité.
Vous l’aurez compris, plus une personne vit du Flow dans son travail, plus il lui est aisé de se développer de manière optimale et plus elle est satisfaite de l’évolution de sa carrière.
D’où notre recommandation en cette période inédite : commencer/continuer à surfer sur le flow et passer de l’éphémère au durable !
Si cette émotion reste passagère, elle est tellement bénéfique, reproductible, et accessible à tous et en tout circonstance, il est plus que souhaitable d’en augmenter sa fréquence d’utilisation.
Plus une organisation disposera de personnes en bonne santé émotionnelle, plus il lui sera aisé de les satisfaire, de les retenir, de les mobiliser, de développer leurs qualifications et de les responsabiliser face à leur travail.
Profitons de cette fin de printemps pour nous demander ce qui grandit et murit encore en nous ; continuer ou commencer ce qui nous enchante, ce qui est ludique ou amusant. Demandons-nous quel est le but profond et la mission de notre travail et écoutons ce que dit notre cœur.
Autre article :
DU POUVOIR EN COACHING AU POUVOIR DU COACHING
Comme toutes les relations d’aide, le coaching n’est pas épargné par les dérives inhérentes au pouvoir. Le désir d’influence sommeille en chacun de nous. Tapi dans l’ombre de nos désirs, il peut se réveiller à tous moments et sous une forme de bienveillance transformer insidieusement le « pouvoir pour » le bénéfice du client au « pouvoir sur » le client.
Anne Kerbart & Pascal Barreau
Le pouvoir est une question primordiale dans la relation humaine. Même les civilisations qui prônent la non-violence n’échappent pas au pouvoir dans la simple effectuation de leurs désirs. Nous sommes donc condamnés par le simple fait de notre statut d’homme à être tantôt du côté du pouvoir, tantôt de celui du contre-pouvoir.
« Alors qu’hier on s’évertuait à être heureux, aujourd’hui on veut donner du sens à son travail… De fait, l’obligation sociale de « réussir » sa vie, plutôt que « d’être » dans la vie, s’est imposée et est tenace. La connaissance de soi devient plus nécessaire que jamais »1. Si le célèbre aphorisme de Socrate « Connais-toi toi-même » ne convoque pas toujours un changement, au moins oeuvre-t-il dans l’acceptation de soi. Le coaching est parmi d’autres une technique de découverte de soi. Comme les autres métiers d’accompagnement, il n’échappe pas aux dérives spécifiques d’emprise.
Coach, un métier de pouvoir ?
En coaching, nombre de clients arrivent en entretien avec la croyance que les coachs sont des experts qui vont les aider à trouver des solutions. Considérés comme des « super pros », idéalisés malgré eux, certains coachs portés par un solide égotisme en oublient les règles déontologiques et éthiques fondamentales de leur pratique.
En 2006, Dominique Jaillon2, alors président de la Société française de Coaching – SF Coach® –, indiquait les prérequis du coaching comme suit : la formation bien entendu, le travail sur soi (développement personnel, psychothérapie) ainsi que la supervision, « pour ne pas rentrer dans un rapport d’influence et de toute puissance vis-à-vis du coaché » et pour selon lui « rendre compte de sa pratique à un autre professionnel pour permettre de s’assurer qu’on est dans un accompagnement qui ne bascule ni vers une thérapie, ni vers un conseil, ni vers la formation, mais dans un entre-deux de tout ça ».
Le coach, un activateur de sens
En filigrane de la demande de coaching, se trouve un souhait de changement qui s’origine le plus souvent dans une insatisfaction. Le client, plongé dans un désir d’atteindre un « moi-idéal », se montre particulièrement vulnérable, prêt à entraîner son coach dans sa quête d’un bonheur perdu. En définitive, il s’agit pour le coach d’aider son client à renouer avec ses besoins et ses valeurs. Ce processus de désillusion est rendu possible par la posture pragmatique du coach qui consiste à aider la personne coachée à dépasser un passé, qui bien que révolu, s’actualise dans des souvenirs intensément connotés de plaisirs infantiles. A contrario, lorsque les souvenirs sont teintés péjorativement et inhibent la motivation, il importe que le coach amène la personne coachée à développer sa capacité désirante. « C’est lui (le désir) qui pousse l’être humain vers son développement et qui donne sens à son action. L’évolution est freinée quand on cesse de désirer »3.
Le coaching, scène des jeux de pouvoir
Le dirigeant, en se hissant à la cime de la pyramide hiérarchique,s’est peu à peu coupé de son réseau de relations. Avec l’ascension, il ne peut plus entretenir le même rapport d’amitié qu’auparavant avec ses collègues, surtout s’il est resté dans son entreprise d’origine. Sa solitude commence par la raréfaction de ses relations. Elle signe par ailleurs le statut du pouvoir et en arrête les attributs.
« Contrairement à un manager intermédiaire, le dirigeant a toute latitude pour décider. C’est une personne qui a tout pouvoir pour définir ses objectifs, ses moyens et sa stratégie »4. Cette position esseulée est à la fois sa force et sa faiblesse. En contact avec ce profil de dirigeant, le coach est invité à travailler le pouvoir de la personne coachée de manière à en faire un outil d’alliance. D’autant qu’en tant que « cliente », la personne coachée pourrait se laisser tenter par un consumérisme avilissant les séances en simples prestations de service. François Delivré, en coach averti, ne se laisse pas intimider et conseille d’« analyser les pouvoirs respectifs de M. Coach, du client (et de l’entreprise dans une le cadre d’un contrat tripartite) […] dimension incontournable du professionnalisme »5. Notons au passage qu’un coach « en exercice » commence son analyse par lui. Avouons qu’il est souvent plus facile de percevoir les tentatives de prise de pouvoir de l’autre que les siennes.
Échappées belles du pouvoir en coaching
Le « pouvoir sur »6 relève de la subordination d’un sujet par un autre sujet. Dès lors, les manœuvres manipulatoires exultent, la loi se résume à celle du plus fort. Les risques sont grands, en passant par des joutes oratoires policées aux conflits franchement discourtois. En fait, la demande de la personne coachée dans ce cas de figure est une caricature du genre « Aidez-moi à changer le contexte des autres, voire les autres ». Attention danger ! Gare aux petits arrangements entre amis. Le coach qui se transformerait en bras séculier de cette demande serait d’une part rapidement disqualifié, la personne coachée s’arrogeant tous les bénéfices de cette entente, d’autre part jetterait le discrédit sur l’ensemble de la profession.
Le coach est en « pouvoir pour »7 quand il consacre son temps,son savoir-faire et son attention pour résoudre le problème de son client. Il attend de la personne coachée qu’elle respecte le contrat initial. Le « pouvoir pour » du coach est un magnifique rempart au « pouvoir sur » la personne coachée. La puissance de la sollicitude du coach s’impose aux mécanismes de défense de la personne coachée et fait tomber ses velléités de pouvoir. La confiance s’instaure. Le travail est désormais envisageable sur la base d’une alliance interpersonnelle.
Exit le « pouvoir sur », place au « pouvoir pour » par la simple magie du « savoir être avec ».
Conclusion
Le pouvoir survient en réaction à une peur, celle de la perte de maîtrise. Plus cette perte est crainte, plus le pouvoir s’affiche. On comprend alors aisément la vigueur déployée de certains dirigeants ou managers qui, se sentant en insécurité, adoptent la posture haute du pouvoir, dernier ressort défensif dont ils disposent en pareille situation. Cette posture haute leur est d’autant plus facile d’utilisation qu’elle fait partie intégrante de leur quotidien professionnel.
Le coaching invite le client habitué à l’exercice du pouvoir à un lâcher prise inédit. Sans ce dernier, l’alliance est purement et simplement impossible. Enfin, ce lâcher prise, tant attendu par le coach, ne se réalisera qu’à la condition formelle de la sécurisation déontologique et éthique du dispositif. Et cela, le coach ne doit jamais l’oublier.
Article publié originalement sur le site d’Elsevier-Masson.
1. Ebguy R. Le coaching a-t-il perdu le sens commun ? TGV Magazine, 2009: 112-3.
2. Jaillon D. psychosociologue, consultant, coach, maître de conférences Université de Clermont II, membre accrédité titulaire et président de la Société française de Coaching de 2006 à 2009 [www.sfcoach.org].
3. Kourilsky F. Du désir au plaisir de changer. Paris: InterEditions, Dunod, 2008: 245.
4. Moral M, Angel P. Coaching. Outils et pratiques. Armand Colin, 2007: 35.
5. Delivré F. Le métier de coach. Paris: Éditions d’organisation, 2002: 74.
6. En « pouvoir sur » : l’un détermine à la place de l’autre ce dont il a besoin. Versus coach, cela peut se traduire par un nombre excessif de séances. Versus coaché, cela peut prendre la forme d’une disqualification systématique du coach en réfutant toutes ses interventions.
7. En « pouvoir pour » : en fonction de la demande, le coach choisit les moyens ad hoc. Du côté de la
personne coachée, il s’agit surtout de s’inscrire pleinement dans le contrat pré-établi.
Les auteurs : Anne Kerbart, coach et formateur, Lyon (69) et Pascal Barreau (75), coach et psychologue.